Quand on vient du quartier du Chemin-Vert à Boulogne-sur-Mer, le même quartier que Franck Ribéry, on est obligé de commencer par le foot, non ?
C’est sûr, surtout pour ceux qui étaient enfants au moment de l’explosion de Franck. J’avais une dizaine d’années à l’époque et on était tous à fond derrière lui. C’était impressionnant de vivre sa montée en puissance depuis l’intérieur. Année après année, il devenait de plus en plus fort, au point de devenir une icône nationale. Forcément, on avait envie de l’imiter. Et c’est grâce à lui que j’ai compris que tu pouvais réussir et gagner ta vie grâce au foot. Pour résumer, je dirais que Franck Ribéry nous a montré que c’était possible de réussir.
Tu as une anecdote personnelle avec Franck ?
J’en ai plein parce que je traînais beaucoup avec son petit frère Steven. On faisait partie de la même bande de potes et même si Steven était au centre de formation du RC Lens, il rentrait à Boulogne tous les week-ends donc on était souvent fourrés chez ses parents le dimanche. On allait jouer au city stade puis on montait prendre le goûter chez les Ribéry. Dans la chambre de Franck, il y avait une trentaine de paires de crampons Nike dernière génération ! Ça m’impressionnait car moi, je n’avais jamais eu le droit à une paire comme ça parce que mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent. Je me souviens aussi du cortège qu’il y a eu le jour du mariage de Franck, avec toutes ces voitures de luxe qui circulaient dans le quartier du Chemin-Vert. Il y avait un contraste (sourire) mais tout le monde était hyper heureux pour Franck. C’est simple, au quartier, personne n’est jaloux de Franck car les gens ne le disent pas assez mais il a beaucoup donné, notamment pour les clubs locaux. Par exemple, il avait offert deux minibus à mon club, l’ACO Aiglon.
Quels sont tes premiers souvenirs de foot ?
Ils remontent plus tôt, à l’époque où j’allais voir mon grand frère, qui a trois ans de plus que moi, jouer dans son club du FC Conti. Mon père était, lui, entraîneur. Comme j’avais quatre ans, j’étais trop jeune pour jouer dans l’équipe mais à la fin de chaque entraînement, il y avait un petit match et je me débrouillais toujours pour m’incruster ! Ça a commencé comme ça et c’est ensuite devenu de plus en plus sérieux.
Tu étais quel type de joueur ?
J’ai commencé par jouer numéro 9 et je marquais beaucoup ! Tous les week-ends, c’était minimum triplé et ça a duré un moment comme ça. A partir des U14, je suis parti à l’USBCO et je continuais à empiler les buts, même quand on affrontait Lens ou Lille. Sur le terrain, j’avais l’esprit capitaine, je recadrais un peu tout le monde. Et surtout, je courais dans tous les sens. Mais j’en faisais sûrement un peu trop. Je ne tenais pas en place et je me retrouvais à l’autre bout du terrain à défendre donc au bout d’un moment, mon entraîneur m’a replacé dans le couloir droit. En plus, en grandissant, ou plutôt comme je ne grandissais pas tellement (sourire), je n’avais plus le gabarit pour jouer en pointe.
Vu tes caractéristiques physiques, on t’imaginait plus au milieu…
C’est vrai qu’en y repensant, j’aurais pu faire un très bon numéro 6 parce que j’avais le volume de jeu et que j’étais plus tactique que technique. Bon, après, j’étais quand même correct techniquement, sinon je n’aurais pas pu jouer en U17 nationaux (rires). Mais j’aimais parler à mes coéquipiers, comprendre le jeu de l’adversaire, comprendre comment faire circuler le ballon, aller chercher les ailes… Quand on perdait la balle, j’adorais défendre. Et quand on avait la balle, je voulais toujours attaquer. Le souci, c’est que les autres ne pouvaient pas toujours me suivre physiquement !
Tu te sentais au-dessus à ce point ?
Oui, moi, à la 90e minute, je n’étais pas fatigué, j’étais capable de refaire un match derrière ! Je n’ai jamais fini un match en étant rincé. Je ne me suis jamais dit que le foot, c’était dur, alors que la course au pied, là oui, c’est dur (rires) ! Le foot, ce n’était que du plaisir, c’était la bonne époque ! Et aujourd’hui encore, je fais des rêves où je me vois attaquant du PSG ou du RC Lens. Et si je gagne à l’EuroMillions un jour, je rachète le PSG et je me mets numéro 9 ! J’ai la chance d’avoir une très belle vie grâce à la course à pied : je voyage beaucoup, je rencontre des gens… C’est incroyable… Mais j’aurais tellement aimé réussir dans le foot et représenter l’équipe de France ! Porter le maillot de l’équipe de France d’athlé, c’est une chance, mais quand je pense à Mbappé ou Griezmann avec les Bleus, c’est encore autre chose car le foot, c’est le plus beau sport !
Comment est-ce que tu t’es fait repérer par l’US Boulogne-sur-Mer ?
Après mes débuts au FC Conti, je jouais à l’ACO Aiglon avec Pascal Bonvalet, le même entraîneur qui avait Franck Ribéry quelques années auparavant. On avait une super génération avec plein de gars ultra doués dont un qui avait fait un essai à Chelsea. On jouait contre Lens et Lille et on ne perdait pas. Moi, je marquais plein de buts. Et au bout d’un moment, les meilleurs joueurs de l’ACO Aiglon partaient à Boulogne-sur-Mer, le meilleur club du secteur, ce qui a été mon cas à l’âge de 14 ans.
Là-bas, tu as joué jusqu’en U17 nationaux. C’est à ce moment-là que tu as évolué avec Colin Dagba ?
Oui, Colin a atterri à l’USBCO en U16 après s’être fait virer par le RC Lens. On était ensemble en U16 et en U17. On jouait tous les deux dans le couloir droit et on s’entendait super bien. Colin n’est pas un joueur super rapide mais il est assez technique. Il aimait dédoubler pour centrer. Quand c’était le cas, je prenais sa place, ce qui ne me dérangeait pas du tout car j’aimais défendre. On se complétait vraiment bien. Ensuite, on a fait les U19 DH ensemble puis on devait bifurquer avec la réserve de l’USBCO, qui était en CFA 2, avec l’objectif d’intégrer l’équipe première, qui venait de descendre de Ligue 2. D’ailleurs, quand je suis mis à fond dans l’athlé et que Colin était toujours à Boulogne, je me souviens que mon sponsor de l’époque m’envoyait régulièrement des crampons, des baskets… Et Colin me harcelait (rires). Il me disait tout le temps : « Fais croquer, fais croquer ! » Et juste après, il signe au PSG !
Vous êtes restés en contact ?
Bien sûr ! C’est fou quand on y repense. Il me demandait de lui envoyer des chaussures et quelques mois plus tard, c’est moi qui allais le voir jouer en Ligue des champions ! Je me rappelle d’ailleurs d’un Barça-PSG en Ligue des champions (victoire 4-1 du PSG en février 2021) où Colin n’était pas dans le groupe car il était blessé. On avait regardé le match ensemble et il m’avait montré le groupe WhatsApp avec tous les joueurs qui envoyaient des messages après la victoire. Colin était en train de réaliser mon rêve. Avoir mon pote qui jouait dans mon club de cœur, c’était fou !
Au-delà de ce groupe WhatsApp, Colin t’a partagé des anecdotes du vestiaire du PSG ?
Ce qui m’a marqué dans tout ce que Colin m’a raconté, c’est combien Presnel Kimpembe était important pour l’ambiance du groupe, tout ce qu’il faisait pour intégrer les jeunes joueurs. Colin avait un peu peur en arrivant au PSG et Presnel s’était comporté comme un grand frère avec lui. Il l’avait pris sous son aile. De toute façon, sur les vidéos, ça se voit que Presnel est quelqu’un qui sait d’où il vient, qui est très chaleureux avec les autres.
Pour revenir à tes années à l’USBCO et notamment aux U17 nationaux, à quel point as-tu été proche de percer dans le foot ?
Je ne saurai jamais vraiment mais c’est vrai qu’avec Boulogne, on avait fait une énorme saison en U17. On avait tout gagné : le tournoi de Clairefontaine, le Challenge Jean-Leroy, le championnat de France UNSS… Et on s’était qualifié pour la Coupe du monde UNSS au Guatemala (en 2015) ! Notre équipe du lycée était composée à 90% de joueurs de l’USBCO et on avait vécu une expérience incroyable là-bas : installations top, police qui nous escorte… On arrive jusqu’en demi-finales mais on perd 1-0 contre la Turquie. Après le match, dans le vestiaire, on était tous en train de pleurer. On se disait que c’était la fin de nos espoirs car on était persuadés que si on terminait champions du monde, des clubs s’intéresseraient à nous. Et moi, à l’époque, je savais que le RC Lens me suivait.
Ah oui ?
Je n’ai jamais eu de contact direct mais je savais que les entraîneurs lensois m’aimaient bien. Presque à chaque fois qu’on jouait contre eux, ils allaient voir mon coach pour lui dire qu’ils aimaient beaucoup mon profil. De toute façon, on finissait tous par savoir quels clubs nous appréciaient mais ce n’est pas allé plus loin que ça avec Lens. C’est avec Évian Thonon Gaillard que ça a été le plus concret. Un recruteur de chez eux était venu me parler à la fin d’un match et il voulait me revoir. J’étais comme un gosse en rentrant chez moi alors qu’Évian ne jouait « qu’en » Ligue 2, c’est-à-dire au même niveau que Boulogne, mais je m’imaginais déjà quitter ma ville, prendre le train… Je m’imaginais déjà faire carrière. Et honnêtement, je pense que si j’avais continué dans le foot, j’aurais eu ma chance, au moins en Ligue 2, j’en suis quasi sûr.
Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Plusieurs choses. Déjà, parmi les mecs avec qui j’ai joués, beaucoup ont réussi : Moussa Niakhaté, Colin Dagba, Hugo Vandermeersch, Aurélien Scheidler, Benjamin Gomel (formé à Lens et actuellement à Sochaux), Mehdi Chahiri et j’en passe… Et moi, j’étais le capitaine de cette génération, j’étais très apprécié de mes coaches… Avec un entraîneur à la Diego Simeone, j’aurais pu avoir ma place. Tu as besoin de joueurs comme moi. Les Messi, Neymar ou Mbappé, il n’y en a pas à tous les coins de la rue, il faut aussi des soldats ! Mais dans le foot, il y a un facteur chance, un facteur temps, et même si je n’avais pas signé pro à 18 ans, ce serait peut-être arrivé plus tard. Je pense que si j’avais eu une chance, je l’aurais saisie, de la même manière que j’ai saisi ma chance dans la course à pied, pas grâce au talent mais grâce au travail et au mental. Même aujourd’hui, je me dis parfois que je vais tout plaquer et reprendre le foot, essayer de rejouer rien qu’en DH et voir où ça me mène…
Ce serait quand même très risqué…
Je ne dis pas que je vais le faire mais sincèrement, je pense être capable de jouer en DH ou en CFA. L’été après les JO de Tokyo, en 2021, j’avais joué pendant un mois avec la DH du Portel. J’avais fait la reprise avec eux et je n’avais senti aucune différence avec les autres joueurs alors que je n’avais plus joué au foot depuis six ans. J’avais appelé Vincent Ehouman, qui est désormais au centre de formation du PSG, et j’avais pu faire un mois avec son équipe. Je m’étais régalé. Et les joueurs qui ne me connaissaient pas pensaient que j’étais une recrue pour la nouvelle saison ! Si j’avais switché à cette époque et que je m’étais remis à fond dans le foot, j’aurais peut-être pu passer les paliers, un peu comme Sonny Duflos, qui joue défenseur à l’UBSCO et qui a une trajectoire un peu similaire à la mienne. Donc oui, j’ai un petit goût amer et je regrette de ne pas m’être laissé plus de temps pour réussir dans le foot parce qu’au-delà de l’aspect financier, ma passion numéro 1, c’est le football. La course à pied, c’est mon métier et j’aime programmer des compétitions, voyager… Mais ma vraie passion, c’est le foot. Je joue tout le temps à FIFA, je regarde des matchs toutes les semaines… Je suis vraiment « matrixé » par le foot.
Tout à l’heure, tu parlais de Moussa Niakhaté. Il était comment à l’époque ?
C’était un des meilleurs, c’est sûr. Parmi les joueurs que j’ai affrontés, celui qui m’a le plus marqué, c’est Jeff Reine-Adélaïde. Physiquement, il était monstrueux. A Lens, il y avait aussi Taylor Moore qui était attaquant de pointe à l’époque et qui marquait beaucoup. On jouait Lille, Lens, le PSG, Caen donc il y avait beaucoup de bons joueurs. Mais les plus gros joueurs que j’ai fréquentés, c’était à Boulogne et Moussa Niakhaté en faisait partie. Moussa a un an de plus que moi et j’étais surclassé lorsque j’étais avec lui. Il arrivait de Wasquehal, il était déjà défenseur central et il était déjà très fort. D’ailleurs, je me rappelle d’un tournoi où on va jusqu’en finale et où je rate un pénalty contre Hull City (rires). J’étais au fond du trou pendant deux mois et lui me réconfortait régulièrement. C’était notre capitaine et c’est un très bon gars. Et puis, il y avait N’Golo Kanté…
Vous n’êtes pas de la même génération, si ?
Non, je n’ai jamais eu la chance de jouer avec lui car on a trop d’années de différence (N’Golo est de 1991 et Jimmy de 1997) mais on se croisait parfois au stade quand les entraînements de nos équipes respectives s’enchaînaient. Et le plus surprenant, c’est qu’il n’était pas en équipe première ! Il était en réserve et impossible d’imaginer qu’il allait faire une telle carrière. Mais ensuite, quand il a eu sa chance en National, il a tout de suite été monstrueux. Il a été transféré à Caen et deux ans plus tard, je l’ai croisé à Boulogne-sur-Mer, devant le cinéma. J’étais avec Antoine Rochoy, qui jouait avec moi à l’USBCO et qui était le meilleur d’entre nous avec un profil à la Messi, et donc, N’Golo nous racontait qu’il devait choisir entre Leicester et l’OM.
Et il avait choisi Leicester…
Oui, pourtant je lui avais dit de signer à Marseille ! Mais il ne m’a pas écouté (rires) ! Mais je me rappelle encore la scène car N’Golo avait son maillot de Caen sur le dos, floqué Kanté, et un sac plastique à la main. Il s’en foutait le mec ! Il est toujours resté simple, c’était le même N’Golo qui arrivait à l’entraînement en trottinette avec ses crampons dans un sac plastique ! Et juste après avoir gagné la Coupe du monde, il était revenu voir des potes de Boulogne et il avait ramené des maillots pour tout le monde. Juste après, il avait commencé à faire des photos avec des gens dans la rue et ça ne s’arrêtait plus car il ne sait pas dire non ! Ah oui, et N’Golo était toujours cité en exemple, que ce soit pour son sérieux sur le terrain ou à l’école. J’ai fait le même bac pro que lui et tous les profs nous parlaient de lui.
Peux-tu maintenant nous raconter plus en détail comment tu es venu à la course à pied car ça ne semble pas une évidence tant tu es passionné de foot ?
J’ai donc commencé l’athlé à 16-17 ans quand je jouais avec les U17 nationaux de l’USBCO. Au foot, on reprenait toujours la saison par de la course et des tests physiques. Et à l’école, comme j’étais en section sport, on était obligés de courir les cross du lycée. Et à chaque fois, je gagnais, en crampons de foot, contre des mecs qui pratiquaient la course à pied. Forcément, ça me plaisait de battre les spécialistes. Et forcément, les profs de sport poussaient pour que je fasse de la course à pied mais, moi, je préférais le foot.
On y revient…
Toujours (rires) ! Un jour, mon coach en U17, Alexis Loreille, m’a parlé d’une discussion qu’il avait eue avec un ami à lui, entraîneur d’athlé. Il lui a dit qu’il n’avait jamais vu un garçon comme moi, que j’étais un « extraterrestre » parce qu’il entraînait des gars qui étaient très forts et moi, j’arrivais sur les courses, et je les démontais. Alexis m’a dit qu’il aimerait que je continue à jouer au foot dans son équipe mais que vu ce que disaient les spécialistes de la course à pied, j’avais un potentiel énorme et qu’il fallait peut-être que je les écoute. Donc j’ai commencé à faire les deux en parallèle. J’avais match de foot le samedi et compétition d’athlé le dimanche.
Plutôt intense !
Plutôt, mais ça m’allait très bien ! A la fin de la saison 2014/2015, je suis allé faire les championnats du monde de cross-country en Chine puis je suis rentré trois jours à Boulogne et j’ai dû repartir au Guatemala pour la Coupe du monde UNSS de foot. C’était un mois incroyable, où j’ai pu combiner mes deux passions. Mais quand l’été est arrivé, j’étais cramé, je n’avançais plus. En foot, je passais des U19 aux seniors et la saison allait reprendre. Pareil en athlé. Ça faisait un an et demi que je faisais les deux sports en parallèle mais c’était devenu trop fatiguant. On était en septembre 2015 et je me suis rendu compte qu’il fallait faire un choix. C’est à ce moment-là que je rencontre Arnaud Dinielle, mon coach d’athlé, et que la bascule s’opère.
Comment ?
En fait, Arnaud m’a répété ce que j’avais déjà entendu, qu’il n’avait jamais vu un mec avec de telles dispositions pour la course à pied. Il était très bienveillant et il était d’accord pour que je continue à faire du foot mais il m’a proposé de me mettre à fond dans l’athlé pendant 3-4 mois, pour voir ce que ça pouvait donner. L’objectif, c’était les championnats d’Europe de cross qui se déroulaient à Hyères-Toulon en décembre 2015. Et là-bas, avec lui, je fais 4e du cross individuel et on gagne le cross par équipe. Des résultats qui font que mon précédent sponsor me propose un partenariat. Je me suis dit : « Bingo » et je ne me suis plus jamais retourné. J’ai fait le choix de la raison car je voulais sortir de mon quartier et aider ma famille. Je sentais qu’au foot, c’était à quitte ou double, alors qu’en athlé, j’étais déjà en équipe de France, j’étais accompagné par des partenaires… C’était plus concret.
Après certaines courses que tu as remportées, tu as déjà fait des célébrations de footballeurs…
Déjà, quand je jouais au foot et que je marquais des buts, j’aimais bien faire de belles célébrations, aller au poteau de corner… Dans la course à pied, je trouvais que ça manquait un peu de show, peut-être parce que c’est un milieu où ça sort de l’ordinaire, où les gens peuvent penser que tu manques d’humilité si tu célèbres… Mais non, pour moi, vu mon histoire, vu où j’ai grandi, j’aime apporter cette touche de joie, de charisme, d’authenticité… J’ai déjà sauté une banderole comme au steeple, j’ai déjà fait des roulades ou le lion dans la boue… Et les footballeurs que je regarde à la TV me donnent parfois des idées mais je fonctionne souvent à l’instinct, dans la dernière ligne droite !
Comme pour ta célébration à la Mbappé ?
Exactement ! Cette célébration, c’était à Lisbonne, aux championnats d’Europe de cross Espoirs. Elle a une signification particulière pour moi car Kylian Mbappé a fait l’objet de beaucoup de critiques mais il a toujours affiché ses objectifs. C’est quelqu’un qui a confiance en lui et qui dit toujours ce qu’il pense. C’est quelque chose qui me plaît. Avant cette course à Lisbonne, j’avais été champion d’Europe Espoirs les deux années précédentes et ça n’était jamais arrivé qu’un athlète fasse le triplé. Avant ce 3e et dernier championnat d’Europe de la catégorie d’âge pour moi, un journaliste m’appelle après une séance et me demande de qui j’ai peur. Et moi, je n’ai peur de personne.
Vraiment ?
Oui, je ne dis pas que j’ai peur de rien mais je n’ai peur de personne. Surtout que ça reste du sport, il faut relativiser. Donc je réponds au journaliste que j’ai gagné les deux premières fois et que là, je suis dans ma dernière année, que je me sens encore plus fort, et que je n’ai peur de personne, que je viens pour gagner. Quand l’article est sorti, ça a été mal vu, on a dit que je manquais d’humilité. J’ai donc décidé de me taire mais je n’avais plus le choix, il fallait que je gagne. J’avais une grosse pression mais j’ai fini par gagner, avec une grosse avance en plus. Donc j’en ai profité pour faire la démarche à la Samuel Umtiti juste avant de couper la ligne d’arrivée puis j’ai fait la célébration de Mbappé avant de finir par un chut qui voulait dire aux haters : « Taisez-vous, laissez-nous faire le show, je respecte mes adversaires ».
Les haters sont un moteur pour certains sportifs…
Oui mais ce n’était pas le cas pour moi ici. C’était juste pour dire que ce n’est pas parce que j’ai confiance en moi que je manque de respect aux autres. On peut aimer faire le show, se fixer des gros objectifs et les afficher, tout en gardant les pieds sur terre. Je sais que je ne suis pas le meilleur du monde, loin de là, qu’il y a des athlètes meilleurs que moi, mais j’aspire à toujours m’améliorer, à être plus fort que la veille. Me fixer de gros objectifs et les affirmer, ça me met une pression positive qui me pousse à me dépasser. Je n’ai pas peur de l’échec car l’échec, ça fait partie de la vie. Vu d’où je viens, je suis déjà fier de toutes les étapes que j’ai franchies. Si je continue à en franchir, tant mieux, mais si ça s’arrête, j’aurais vécu de très belles choses tout en réussissant à sortir de mon quartier, il n’y aura aucun souci pour moi !
(Entretien réalisé début 2025, avant que Jimmy Gressier ne devienne champion du monde du 10 000 mètres et donc officiellement le « meilleur du monde » !)